L’art à Venise

L’art à Venise se manifeste dans chaque détail du quotidien : il nous saute aux yeux grâce à son architecture complexe, influencée par divers courants mais aussi par la nécessité liée à la lagune. Il continue à travers les expositions de peinture dans les différents lieux qui y sont consacrés, mais l’art est aussi présent dans l’ensemble de la culture vénitienne, à travers ses musiciens et ses sculpteurs, ainsi que grâce à des écrivains et des cinéastes du monde entier qui y ont puisé une inspiration riche et toujours renouvelée.

Musique

La passion de la musique est ancrée depuis longtemps chez les Vénitiens, et elle s’est toujours manifestée au quotidien. Au 16ème siècle, Andrea Gabrieli est organiste à la basilique Saint Marc, et il renouvelle le genre de la polyphonie vocale sacrée avec une orchestration plus riche, et l’usage des cuivres et des violons. Puis au 17ème, Claudio Monteverdi devient un maitre incontesté dans l’art de la composition et de l’expression lyrique, où instrument et voix se mêlent. D’ailleurs, pendant l ‘époque baroque, il n’est pas le seul à faire montre de talent dans des mises en scène, souvent pleines de faste, de faits historiques ou légendaires. Au 18ème siècle, c’est l’opéra bouffe qui a le vent en poupe, avec Baldassare Galuppi, mais aussi Albinoni, puis Vivaldi, ce dernier étant le symbole même de la musique vénitienne, virtuose du violon et compositeur de concertos célébrissimes. Pour le 20ème siècle, citons le chef d’orchestre Giuseppe Sinopoli, mort en 2001, qui fut un spécialiste du répertoire de Malher.

Littérature

C’est avec Marco Polo que commence l’histoire de la littérature vénitienne, quand ses aventures sont rédigées par un écrivain pisan rencontré en prison, et qui sera publié en italien avec le titre Il Milione. Puis au 16ème siècle, un éditeur audacieux, Alde Manuce, publie une œuvre de Pietro Bimbo, Prose sur la langue vulgaire, et c’est le début d’une série régulière d’auteurs vénitiens d’origine ou d’adoption : Ruzzante et ses pièces de théâtre, l’Arétin et ses comédies ; et la passion des vénitiens pour le théâtre ne fait que croître. Le personnage d’Arlequin nait à cette époque, et on le retrouvera dans l’œuvre de Goldoni, en particulier dans « Arlequin, valet de deux maîtres ». Outre la littérature théâtrale, le journalisme occupe une place importante à Venise avec la parution dès 1760 du premier numéro de la Gazzetta veneta, qui se poursuivra plus d’une année. L’ère du libertinage rencontre un certain succès ensuite à Venise, avec les poèmes libertins de Giorgio Baffo ou les mémoires du célèbre Casanova, avant que démarre la période romantique du 19ème, pendant laquelle Venise devient le carrefour privilégié des intellectuels comme Lord Byron, Stendhal, ou George Sand accompagnée de Musset. Enfin, au 20ème siècle, plusieurs écrivains de renom séjournent à Venise et s’en inspirent, mais peu en sont originaires, mis à part Tiziano Scarpa.

Peinture

La peinture vénitienne a pour particularité la place donnée à la couleur, une lumière très spéciale donnant une sensualité aux paysages sans leur ôter pour autant leur poésie très présente. Les peintres de Venise sont influencés par les thèmes byzantins, avec la Vierge à l’Enfant comme sujet essentiel. Le premier grand peintre connu, Paolo Veneziano, au 14ème siècle, s’affranchit peu à peu des règles et fait apparaître de nouveaux sujets propres à l’Occident, comme le couronnement de la Vierge. Au 15ème, le gothique international est introduit par des artistes comme Pisanello et Guariento, créant de grandes fresques au style précieux et raffiné. La notion de perspective apparaît peu après, et se confirme avec la Renaissance, plus tardive à Venise qu’en Toscane, avec des peintres comme les Bellini père et fils, puis Carpaccio. Au tout début du 16ème, Giorgione apparait comme un peintre presque révolutionnaire en introduisant dans ses tableaux des notions abstraites, des allusions littéraires, et en plaçant le paysage avant l’élément humain pour figurer son message allégorique. C’est au 16ème siècle en effet que la peinture vénitienne prend toute son ampleur : des peintres célèbres viennent nourrir de leurs œuvres l’école de Venise, et le Titien en est le premier maillon, grâce à la création de grands retables où la couleur prime sur la forme, faisant de lui un peintre reconnu dans toute l’Europe. Le Tintoret est un autre exemple significatif de cette époque, tant par le caractère original de ses œuvres que par leur quantité : il peint surtout des thèmes bibliques, porteurs d’ une certaine violence lyrique, d’un fort contraste de couleurs, et d’une ambiance souvent dramatique accentuée par une lumière blafarde. Autre peintre qui a marqué cette période : Véronèse et ses couleurs lumineuses, sa fantaisie et sa lumière pleine de gaité. Après une pause au 17ème siècle, la peinture vénitienne connaît un renouveau au 18ème, où est mis en avant le décor des murs et des plafonds des églises : Ricci, Piazzetta, Tiepolo, sont de beaux exemples de ces décors baroques. Puis des portraitistes peignent les nobles et les bourgeois, ainsi que des scènes de genre, et en même temps d’autres comme Canaletto s’attachent à peindre les paysages pour eux-mêmes, avec une très grande finesse d’observation et une vision presque photographique. Au 20ème siècle enfin, certains s’inspirent des Van Gogh et autre Cézanne pour une autre approche différente des îles de la lagune : ce sont des artistes comme Moggioli, Rossi, ou Sibellato qui font partie de l’Ecole de Burano.

Sculpture

La sculpture est omniprésente à Venise. Décorant les façades des maisons, ornant les palais ou les édifices religieux, les œuvres sont multiples et souvent très belles : elles ont pour thèmes les légendes et leurs nombreuses statues animalières, ou le glorieux passé militaire de la ville, mais aussi et surtout la religion et ses saints. Les premières sculptures remarquables de Venise datent du 15ème siècle, et l’on peut citer les noms de Matteo Raverti qui a sculpté l’Ivresse de Noé du Palais des Doges ou Marco Cozzi et son chœur en bois des Frari. Puis au tout début du 16ème, la famille Lombardo, père et fils, renouvellent la sculpture vénitienne en apportant une richesse plus grande à la décoration où ils ajoutent du porphyre ou du marbre, et en soignant l’équilibre des proportions, sous l’influence des lombards : à voir en particulier la façade en trompe-l’œil de la Scuola di San Marco. Quelles autres sculptures admirer à Venise ? Impossible de les citer toutes, mais voici quelques exemples significatifs : le Bossu du Rialto et son escalier, créé par Pietro Grazioli da Salo en 1541 ; la Fortune de la Dogana da Mar et ses Atlantes, conçue par Benoni, terminée en 1677 ; la statue du Colleone, statue équestre en hommage au condottiere Bartolomeo Colleoni, sculptée par le florentin Andrea del Verrochio entre 1483 et 1488, et fondue par Leopardi après la mort de l’artiste.

Venise dans les arts

Venise au cinéma : Outre son festival cinématographique de réputation international, la Mostra, Venise est aussi à elle seule une héroïne de film. Photogénique et fascinante, foisonnante de décors sublimes et d’ambiances magiques, la ville a le don de donner une dimension supplémentaire à l’intrigue des films qui y sont tournés. Quelques exemples, avec tout d’abord le premier film réalisé en 1935, une comédie musicale de Mark Sandrich, Le danseur du dessus, avec Fred Astaire et Ginger Rogers : puis des documentaires filmés par Francesco Pasinetti en 1940 ; ensuite, en 1954, Senso, de Visconti, puis Roméo et Juliette, de Castellani, et enfin le Vacances à Venise, de David Lean ; Comencini y tourne en 1969 Un adolescent à Venise, et en 1970 Visconti réalise un autre chef d’œuvre sur fond de Sérénissime avec son superbe Mort à Venise ; en 1976, Fellini nous donne son Casanova, et Dino Risi, Ames perdues. D’autres y commettront des œuvres moins grandioses, mais où Venise brille toutefois de toute sa beauté : Spielberg, Woody Allen, mais aussi des films en costumes, comme La Vénitienne, de Hampton en 1995, ou Antonio Vivaldi, un prince à Venise, de Luc Guillermou.

Venise dans la littérature : Venise, ville lacustre, à l’architecture incomparable, à l’histoire complexe et dense, ville où cohabitent des idées et des religions multiples, Venise et son Carnaval, ses canaux, ses artistes, Venise entre fêtes et nostalgie, constitue forcément un thème de choix pour la littérature, et en tout cas un décor hors du commun pour y nouer et dénouer des intrigues. C’est la littérature italienne du Moyen-Age qui la première a ouvert la voie avec les chroniques de Salimbene de Adam, originaire de Parme, qui décrivent la vie et la société de la Venise de l’époque médiévale. Plus tard, on retrouve l’Arsenal de la ville dans l’Enfer de Dante, puis un portrait des Vénitiens dans le Marchand de Venise de Shakespeare. Goldoni et Gozzi donnent à leur tour une image bien campée de Venise dans leurs œuvres de théâtre. Ville ouverte aux voyageurs, Venise est aussi très naturellement décrite dans des ouvrages plus culturels, comme le Voyage en Italie de Goethe, ou le Journal d’un voyageur de George Sand. Mais la cité est aussi le cadre d’histoires passionnées et passionnelles : Les ailes de la colombe de Henry James, La mort à Venise de Thomas Mann. Elle apparaît plus récemment dans de nombreux romans contemporains, comme celui de Philippe Sollers, Trésors d’amour, et même dans des mangas, comme L’homme qui marche du japonais Taniguchi. Une ville toujours mythique qui n’a pas fini de faire chanter ses muses pour inspirer les écrivains.